14 avril 2020

SAISIR L’OCCASION…

par Cyrille-Gauvin Francoeur, metteur en scène

Il faut l’avouer, on aimerait tous que les hasards de la vie nous soient toujours favorables et que l’on ait qu’à se laisser porter d’un succès à l’autre en recueillant les critiques favorables et le salaire de nos efforts. Mais ça ne marche pas comme ça. Du moins pas à coup sûr. Les turbulences qu’on vit présentement nous rappellent qu’on peut avoir le contrôle sur bien des aspects de notre pratique artistique mais pas sur l’ensemble tous. Ma carrière de metteur en scène, de directeur artistique et de dramaturge a commencé professionnellement quand j’étais encore au CEGEP mais c’est en 1998 que j’ai fait le saut dans l’univers du spectacle corporatif avec un divertissement qui allait connaître beaucoup de succès : Masques et Bergamasques.

À l’époque, les DMC (Destination Management Companies) qui nous engageaient étaient innombrables. Les clients directs pullulaient. Les entreprises consacraient des budgets très importants à leurs événements corporatifs. Ceux qui nous avaient précédés dans l’industrie témoignaient qu’elle avait déjà été encore plus florissante mais pour nous, elle semblait bien assez généreuse et les astres paraissaient alignés pour que demeure cet air d’aller.

Mais ça ne marche pas comme ça. Et ce qu’on allait subir dans le monde du spectacle corporatif peut être montré en exemple comme un condensé de ce qui se produit aussi dans n’importe quel domaine bien que souvent sur une plus longue durée.

Tournant 2000. Subitement, les dépenses des pharmaceutiques ont été resserrées par l’état et une bonne partie de la clientèle des événements corporatifs a fondu comme neige au soleil. De très nombreuses DMC sont disparues de la carte. 11 septembre 2001. Le monde a basculé. Traumatisme mondial. 2003. L’épidémie de SRAS a frappé Toronto. L’industrie du voyage a senti un frisson la parcourir et le monde du corpo a vu sa clientèle diminuer drastiquement. Au moment où la convalescence semblait presque terminée, une dernière date : 2008. La crise financière des subprimes a ébranlé le monde des affaires et même les compagnies qui traversaient cette période de désastre économique sans trop de dommages n’osaient plus dépenser. À chacun des chapitres qui s’écrivaient, l’industrie se transformait POUR NE JAMAIS REVENIR À L’ÉTAT PRÉCÉDENT.

Beaucoup de signaux, beaucoup de signaux dont je n’ai d’abord pas voulu voir les impacts avec lucidité. Peu à peu cependant, il est devenu clair qu’il était temps pour moi d’accepter qu’il fallait davantage que des modifications superficielles à ma pratique. Aujourd’hui, à l’heure de nouveaux bouleversements majeurs qui dépassent encore tout ce que j’ai évoqué, il faut vite encaisser le coup. Vite réaliser que malgré que cela nous contrarie, nous fragilise financièrement, nous coûte de l’angoisse et des sueurs, voici venu un moment d’ajustement majeur de notre pratique, de nos façons de faire.

À l’époque, j’ai regardé du côté des nouvelles technologies. Plus spécifiquement du côté de la réalité augmentée. Des associés et moi avons fondé une start-up en 2015. 2019, premiers contrats d’envergure, notamment en Corée du Sud. Aux premières loges pour voir naître la pandémie ! Surtout, aux premières loges pour voir que la Coré ne s’en ai pas tiré trop mal et que toutes les intuitions plaçant les nouvelles technologies au cœur des solutions pour la suite des choses semblent se confirmer.

Pâques est tout juste derrière nous et cette fête me fournit deux exemples qui me semblent pouvoir nous inspirer et nous faire réfléchir. Le premier : Andrea Bocelli chantant seul à la cathédrale de Milan — située dans une zone très durement touchée du nord de l’Italie — devant un public virtuel de 3 millions de personnes en direct, bientôt visionné par plus de 30 millions quelques heures plus tard. Le second, véritable parabole du chocolat. L’un de mes chocolatiers préférés n’a pas de site Internet. Quand je me suis rendu à sa boutique, vitrines noires et simple avis m’attendaient. Mon autre chocolatier préféré a mis beaucoup d’efforts sur le Net cette année. Facebook, Instagram. Belles photos, mots alléchants. On pouvait commander à distance et passer prendre ces commandes qui étaient alors déposées dans notre malle de voiture.  Je parierais qu’il a évité la catastrophe et nous, on a eu du bon chocolat pour nous consoler de n’être pas avec tous ceux qu’on aime.

Comment transposer ça au monde du spectacle ? Je crois qu’on peut en tirer quelques pistes… Comme de développer sur le long terme un réseau de fans sur plusieurs plateformes, avoir un site vivant, partager photos et vidéos en privilégiant la qualité et l’intérêt plutôt que la quantité, créer un buzz autour d’événements comme de Facebook lives (qui peuvent, à l’aide de certains logiciels, être de « faux » lives), introduire la notion de participation financière pour donner accès au public à des spectacles « privés » présentés dans des lieux inusités, rappeler à ceux qui apprécient vos performances qu’on entre dans une nouvelle économie et que par conséquent, les artistes doivent avoir accès à une manière nouvelle d’être rémunérés pour leur art et pour le plaisir qu’ils procurent.

Je n’ai aucunement la prétention d’avoir des réponses à toutes les questions qui se lèvent devant les incertitudes actuelles, seulement la certitude que ces moments charnières doivent être pleinement appréciés pour leur aspect positif : des stimulants de créativité et de changement extrêmement gratifiants lorsqu’on les accepte comme tels et qu’on saisit l’occasion.

Cyrille-Gauvin Francoeur

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